Atiq et Alles gut! Gemüse Kebab

//success story

C’est l’histoire d’une rencontre plutôt (très) réussie : une histoire entre deux jeunes entrepreneurs suisses et un jeune talent afghan.

L’entreprise, elle, s’appelle Alles gut ! Gemüse Kebab et les deux jeunes entrepreneurs sont deux amis d’enfance, Yohann et Romain. Fondus du fameux Gemüse kebap berlinois, ils se lancent le pari d’ouvrir le premier kebab durable à Genève. En 2020, c’est dans une arcade à l’avenue Ernest-Ansermet que le kebab éco-responsable et socialement engagé fait son entrée. Inspirés par la Chambre de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), ils partagent les valeurs qu’elle véhicule en considérant l’activité économique comme étant au service de la société et les limites écologiques de la planète comme n’étant pas négociables. Leur modèle repose sur les trois piliers du développement durable : l’environnement, l’économie et l’aspect social. Ils font figure de pionniers dans le domaine de la restauration rapide à Genève.

Dans un contexte de crise écologique et humaine, la guerre en Syrie pousse les deux entrepreneurs à se questionner sur leur pouvoir d’agir à l’échelle genevoise et surtout à celle de leur commerce naissant. Sensibilisés aux questions liées à la migration après la diffusion du film Human flow d’Ai Weiwei au FIFDH en 2019 et bousculés dans leur quotidien, ils décident de mettre en place un programme d’insertion professionnelle avec lequel ils pourront avoir un impact positif.

C’est un nouveau défi pour les jeunes entrepreneurs et un nouvel environnement qu’ils connaissent moins. Se rendant compte assez rapidement qu’ils manquent de réseau, ils contactent plusieurs organismes spécialisés, sans suite. L’ouverture du kebab est en marche, et le programme peine à se mettre en place. Après une mise en relation fortuite, Romain rencontre Emmanuelle, directrice de Yojoa. Il suffira d’une discussion pour que le courant passe et que Gemüse prenne le train de l’inclusion.

Pour Atiq, c’est un tout autre parcours. Contraint de quitter l’Afghanistan à l’âge de treize ans sous la menace des talibans, il arrive en Suisse au bout d’un voyage de deux ans, deux ans sans contact avec ses parents, deux ans, seul, pour la plupart du temps. Au cours de son périple, les difficultés ne manquent pas. Il passe par l’Iran et arrive en Turquie où il travaille dans une usine de métal quatorze heures par jour avec un jour de congé par mois ; il a quatorze ans. Se rendant compte qu’il n’y a pas d’avenir pour lui en Turquie, il met de l’argent de côté et décide de partir pour l’Europe. Il entre en Bulgarie, se perd dans une forêt où, pendant deux semaines, il dort dans les arbres, pour finir par atteindre la Serbie. Il passe difficilement la frontière de la Hongrie et en ressort avec des cicatrices. Sur les conseils d’un chauffeur de taxi turc, il passe en Autriche. Pensant se rendre en Allemagne, il embarque dans un bus qui l’amènera…à Bâle ! On est en 2016, Atiq a seize ans, il vient d’arriver dans un pays dont il ne connaissait pas l’existence, la Suisse.

« De temps en temps, quand je pense à mon parcours ; je rigole d’être encore en vie ! » Atiq

On pourrait croire que tout ira pour le mieux à partir de ce moment-là, mais les premières années à Genève ne sont pas si faciles. Après quelques aléas liés au logement, les premiers pas vers l’intégration auraient de quoi le décourager. Mais ce n’est pas dans le caractère d’Atiq ; sa volonté et les quelques belles rencontres faites en route l’amènent jusqu’à l’école, premier pas pour apprendre le français, premier pas vers l’émancipation.

En 2018, en classe d’orientation professionnelle, sa professeure le met en contact avec Emmanuelle qui lui facilite l’accès à des stages. En 2019 il obtient le permis F, et trouve une première place de travail dans un restaurant turc.

Pendant ce temps, le projet de Gemüse kebab avance et, par l’intermédiaire de Yojoa, ils rencontrent des jeunes à la recherche d’un stage dans la restauration, mais la barrière de la langue est trop importante.

En 2021, Atiq travaille toujours dans son restaurant où les conditions ne lui conviennent plus ; il veut démissionner. Il appelle alors l’équipe de Yojoa et explique sa situation. Le jour même, celle-ci contacte Gemüse Kebab et propose à Yohann et Romain de rencontrer Atiq. Une semaine après, il est engagé.

La suite, ils nous l’ont racontée ensemble.

« On a accroché tout de suite. Sa personnalité attachante, ses compétences et son autonomie nous ont convaincus dès le premier contact ! » Yohann et Romain

Au niveau administratif, tout est plus simple qu’imaginé. Il suffit de remplir un formulaire à envoyer à l’Office Cantonal de la Population et des Migrations.

Pour Gemüse, Atiq est une aubaine : il a de nombreuses compétences et surtout, de l’expérience. Son autonomie leur fait gagner du temps et ses connaissances en matière de kebab leur permettent de faire évoluer leurs processus et techniques, notamment pour couper la viande sur la fameuse broche maison. Atiq est un travailleur, il ne s’arrête jamais, ce qui permet de tirer l’équipe vers le haut.

Humainement, ses qualités d’écoute et de remise en question lui permettent de s’intégrer très facilement à l’équipe. À travers sa philosophie de vie qu’il partage avec ses nouveaux patrons, c’est une relation d’échange et de partage qui commence et qui se transforme très vite en une relation d’amitié.

Pour Atiq, Gemüse est une aubaine : il intègre une petite équipe mixte qui fonctionne de manière horizontale, le changement dont il avait besoin pour s’épanouir au sein d’un environnement de travail bienveillant. Cerise sur le gâteau, son français évolue très rapidement et lui permet de créer de nouveaux liens. Ce nouveau travail est aussi une manière d’accéder à plus de stabilité et de pouvoir, enfin, se projeter dans un avenir plus serein.

« La culture et les gens ne vont pas s’adapter à toi, c’est toi qui dois changer et entrer dans la communauté pour trouver ta place. Tu es obligé de respecter chaque culture. Si tu n’apprends pas la langue, tu ne peux rien faire. Par exemple, tu ne perds rien à faire un sourire à tes voisins. »  Atiq

L’engagement d’Atiq est une plus-value pour la jeune entreprise. Il bouscule de manière positive les manières de faire et permet de repenser le fonctionnement interne, les relations inter-employé.e.x.s, leur bien-être et l’évolution globale du restaurant.

Aujourd’hui, l’avenir est vert pour Gemüse et Atiq. L’entreprise s’étend et gagne un projet de la ville de Genève pour occuper l’esplanade à la place du Mont-Banc. Une nouvelle arcade se profile aux Eaux-vives et Atiq démarre en ce moment-même en tant que chef de cuisine et directeur des opérations. En parallèle, il est en demande de permis B soutenu par Yohann, Romain et Yojoa, et pense à de prochaines vacances, bien méritées.

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