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Les soft skills: ces compétences douces si recherchées par les employeurs et si présentes chez nos jeunes

Emmanuelle Werner Gillioz

11.19.2022

On entend beaucoup parler des soft skills aujourd’hui, ces compétences sociales ou comportementales qui, selon les professionnels du recrutement, deviennent de plus en plus importantes sur le marché du travail. Alors que par le passé, seules les compétences techniques ou hard skills faisaient foi, aujourd’hui les employeurs sont à la recherche de personnes qui sauront s’intégrer dans les équipes, créer du lien, contribuer de manière positive à la culture de l’entreprise et se sentir en adéquation avec ses valeurs. Les employeurs savent que le bien-être de leurs employés est un levier de performance pour leur entreprise.

Dans le Job Index T1 2021 du groupe Adecco Suisse, Monica Dell’Anna, directrice générale du groupe constate que « toute personne à la recherche d’un nouvel emploi doit non seulement posséder de bonnes connaissances professionnelles, mais aussi disposer des compétences sociales correspondantes ». Pour elle, il est d’autant plus important d’investir dans la formation de ces compétences, celles-ci étant transférables d’un emploi à l’autre.

Soft skills, compétences sociales, compétences douces… Mais de quoi parle-t-on exactement ? Savoir bien communiquer, avoir un bon sens relationnel, savoir user de diplomatie, mais aussi être coopératif, serviable, savoir travailler en équipe, être capable de s’adapter sont quelques-unes des descriptions que l’on peut trouver dans les articles spécialisés sur le sujet.

Il existe à Genève un vivier de personnes chez qui ces compétences sont bien présentes, nous en faisons l’expérience quotidiennement à Yojoa. Les jeunes que nous accompagnons sont pour la plupart arrivés en Suisse au terme d’un parcours migratoire, seul.e.s ou en famille. À travers les épreuves et les situations vécues, ils et elles ont développé une résilience et une volonté remarquables. Pendant leur voyage, il a fallu trouver des solutions, réfléchir vite, se montrer créatif, prendre des risques, s’entraider. À leur arrivée dans notre pays, il a fallu s’adapter, apprendre, comprendre, découvrir, oser, se débrouiller, sortir de sa zone de confort pour se construire un avenir. Il a fallu avancer à un âge où l’on est encore en pleine construction de son identité1, tout comme leurs contemporains nés en Suisse qui eux, évoluent à un autre tempo, dans une réalité différente.

Comment valoriser ces compétences auprès des employeurs ? Comment mettre en lumière l’histoire que le CV ne raconte pas ? Comment passe-t-on d’un statut de «jeune migrant » à celui de « jeune talent qui possède à son actif une expérience de la migration » ? Autant de questions auxquelles tentent de répondre Yojoa.

Lorsque nous avons commencé à préparer les jeunes aux entretiens d’embauche, nous nous sommes rendu compte qu’ils et elles n’avaient pas conscience des forces développées à travers leur parcours de vie, encore moins que celles-ci pouvaient être une valeur ajoutée, un avantage compétitif sur le marché de l’emploi.

Au printemps 2022, nous avons développé une série d’ateliers sur les compétences sociales en collaboration avec notre partenaire Refugee Voices, à travers lesquels nous avons amené les jeunes à identifier leurs forces, à développer leur confiance en eux, à se réapproprier leur histoire de manière positive et à développer leur « pitch professionnel » afin de pouvoir faire la différence face à un employeur.

Suite à cette formation, les jeunes ont revu leur manière de se présenter lors des entretiens d’embauche, s’appuyant sur les éléments qui les rendent uniques.

Une participante a expliqué qu’elle était quelqu’un de responsable, s’occupant depuis l’âge de 15 ans de toutes les démarches administratives dans son foyer, assurant systématiquement la traduction lors des entretiens entre ses parents et les différents offices étatiques.

Pour illustrer sa qualité d’empathie, un autre jeune a décrit le sentiment de solitude ressenti pendant les deux années passées dans un camps de réfugiés en Grèce alorsqu’il n’avait que 15 ans. Une fois arrivé en Suisse, il a décidé de faire son possible pourvenir en aide à son entourage, connaissant trop bien le sentiment d’être livré à soi-même.

Une troisième participante a invoqué sa détermination à la responsable RH d’une grande banque en lui parlant des onze opérations subies depuis sa naissance, du pronostic dramatique des médecins sur le fait qu’elle ne pourrait plus marcher et de sa détermination à retrouver la mobilité de sa jambe, chose faite aujourd’hui.

Détermination, empathie, sens des responsabilités, autant de soft skills recherchées par les employeurs, et bien présentes chez nombre de jeunes au profil atypique.

Dans un monde en pleine évolution, où l’incertitude devient la norme, où la force de travail est amenée à s’adapter en permanence pour répondre à des impératifs présents et futurs, n’est-il pas temps d’exploiter les compétences de personnes aux trajectoires différentes, justement pour ce qu’ils comportent de peu classique ?

Accueillir des talents avec des perspectives et vécus différents, c’est augmenter ses chances d’innover, car avec leur regard différent, ces personnes nous permettent d’élargir notre champ de vision et envisager d’autres possibles. Comme le disait Pablo Picasso : « Il n'y a qu'une seule façon de voir les choses jusqu'à ce que quelqu'un nous montre comment les regarder avec des yeux différents ».

1 La plupart des jeunes que nous accompagnons ont aujourd’hui entre 18 et 25 ans. Beaucoup sont arrivés en
Suisse à l’âge de15-16 ans sans leur famille et vivent de manière indépendante (en colocation, seul ou encore
dans des foyers).