L’humain préfère la stabilité. Il est en recherche permanente de constance et d'équilibre. Il cherche à créer des structures et des interactions sociales qui ont un sens et qui résistent aux forces érosives du temps et va, de ce fait, avoir tendance à réduire ou supprimer l'inconfort psychologique. La même logique s’applique aux organisations qui se concentrent, elles, sur la stabilisation de leurs processus. La présence de personnes représentant une diversité (de culture, de points de vue, d’expérience, etc.) est donc vu comme un facteur de déstabilisation et de perturbation de cet équilibre tant recherché. Une source d’inconfort. Selon la Professeure Takagi, la diversité génère donc quasi systématiquement de la résistance1.
Bien que nous sachions aujourd’hui grâce à des années de recherche scientifique sur le sujet, que la diversité est source d’innovation, de créativité et de performance, que lorsqu’on rassemble autour de la table des personnes qui ont une diversité de perspectives et d’expériences, nous sommes en mesure de prendre de meilleures décisions et de trouver des solutions plus optimales, les entreprises restent aujourd’hui encore très peu diverses. Pourquoi ? Rock, Grant et Grey révèlent dans leur étude2 que« les équipes homogènes se sentent plus efficaces », elles pensent que la diversité est source de conflit. Philipps3 confirme ce dernier point. Elle démontre en effet que bien que les bénéfices de la diversité d’expertise soient évidents, la diversité sociale (ethnicité, genre, orientation sexuelle, religion, etc.) au sein d’un groupe peut engendrer un malaise, des interactions plus difficiles, un manque de confiance, une perception exacerbée des conflits interpersonnels, une moins bonne communication et cohésion.
Il s’agit toutefois d’une perception biaisée. Plusieurs études portant par exemple sur des membres d’un jury au tribunal (Sommers, Tufts University, 2006) ou des groupes censés résoudre une énigme (Personality and Social Psychology Bulletin, 2009) - ont montré que les équipes diverses obtenaient de meilleurs résultats que les équipes homogènes, bien qu’elles soient moins sûres de leur décision. Les équipes homogènes ont l’impression d’être plus performantes mais les faits prouvent le contraire. L’explication est relativement simple : dans une équipe homogène, les gens se comprennent facilement et la collaboration se déroule sans heurt, ce qui donne la sensation de progresser. C’est ce que l’on appelle le biais de fluidité heuristique. Nous préférons l’information qui est traitée plus facilement ou avec plus de fluidité : nous la jugeons plus juste. La collaboration avec des personnes extérieures peut provoquer quant à elle des frictions, ce qui est jugé contre-productif. Ces frictions sont néanmoins souvent surestimées. Il s’agit, là encore, d’un biais cognitif. La réalité démontre en effet que les décisions sont meilleures quand le groupe est divers.
Les équipes homogènes ont l’impression que la collaboration est plus facile, mais facilité ne rime pas avec performance. C’est justement la difficulté qui produit de meilleurs résultats. Lorsqu’on entend une opinion différente ou que l’on est en désaccord avec une personne socialement différente de nous, cela provoque davantage de réflexion que lorsque cela vient d’une personne qui nous ressemble. Cela nous pousse à travailler plus dur pour expliciter notre point de vue et tenter de convaincre. Les membres d'un groupe homogène ont la certitude qu'ils tomberont d'accord les uns avec les autres, qu'ils comprendront les perspectives et les croyances des autres et qu'ils pourront facilement parvenir à un consensus. Mais lorsque les membres d'un groupe constatent qu'ils sont socialement différents les uns des autres, ils modifient leurs attentes. Ils anticipent les différences d'opinion et de perspective. Ils supposent qu'ils devront travailler davantage pour parvenir à un consensus. Cela peut ne pas leur plaire, mais le travail supplémentaire fourni conduit généralement à de meilleurs résultats.
Il est néanmoins important de noter que la diversité seule n’est pas suffisante pour générer de la créativité et del’innovation. Il faut la valoriser pour qu’elle dévoile son plein potentiel. Nous avons souvent tendance à vouloir gommer nos différences pour essayer de nous entendre et travailler ensemble. Mais c’est lorsque l’on permet à chacun d’être et de contribuer tel qu’elle ou il est que l’on obtient les meilleurs résultats. Ce n’est pas toujours facile, ce n’est pas aussi difficile qu’on l’imagine, mais c’est bien dans la complexité que l’on progresse le mieux. C’est dans l’inclusion de la différence que se cache la performance.
1 MOOC Diversity and inclusion in the workplace, ESSEC Business School
2 Diverse teams feel less comfortable- and that’s why they perform better, David Rock, Heidi Grant, and
Jacqui Grey, Harvard Business Review, September 22, 2016
3 How diversity makes us smarter, Katherine W. Philipps, Scientific American, October 1, 2014